Coup de théâtre. Le 27 mai 2010, les travailleurs sans-papiers en grève depuis des mois s’installent sur les marches de l’Opéra Bastille. Ils décident de ne plus en bouger tant qu’ils n’auront pas obtenu satisfaction. L’épreuve de force avec le gouvernement s’est déplacée au coeur de Paris, se livrant désormais au regard des passants.
L’occupation surprise
27 mai 2010. Le mouvement bruissait depuis plusieurs jours d’une nouvelle action qui se préparait, chacun spéculant sur le lieu qui serait visé. Un grand cortège de grévistes sans-papiers était venu le 27 mai grossir les rangs de la manifestation contre la réforme des retraites. Les RG étaient sur les dents, la tension palpable. Arrivés place de la Bastille, la foule crée la surprise en déferlant sur les marches de l’Opéra Bastille.
Les grévistes vont désormais s’y relayer jour et nuit avec leurs soutiens, dans l’attente d’être reçus par le gouvernement. La plupart d’entre eux ont vécu une, deux, voire trois évacuations de différents lieux au cours des mois précédents. Ayant rassemblé toutes leurs forces à Bastille, au coeur de Paris, ils rebaptisent ce lieu le « piquet des piquets ».
Le coup de force de la police
3 juin. Les forces de l’ordre évacuent les marches au petit matin. Pris par surprise par la gendarmerie, qui a manœuvrée depuis l’intérieur de l’opéra afin de repousser les dormeurs depuis le haut des escaliers, les grévistes sont chassés en une poignée de minutes des marches où ils viennent de passer la nuit. Fengqun Yang et Véronique Percebois, toutes deux présentes au moment de l’intervention policière, ont filmé au plus près – l’une avec son Iphone et l’autre avec son appareil photo – l’évacuation et l’interpellation des grévistes, tournage dont on retrouve les images dans le film Marche ou rêve.
Prévenue par texto de l’évacuation imminente, je n’arrive qu’une heure après l’intervention, en même temps que d’autres journalistes. Les services de la mairie ont déjà commencé à nettoyer les marches, entassant les matelas et les couvertures du campement. Plusieurs heures durant, représentants de l’Etat et grévistes vont se toiser. Choqués par l’intervention policière, les grévistes disent leur colère et leur écœurement. La veille un espoir s’était allumé : une délégation avait été reçue pour la première fois par le ministère du travail, plus de six mois après les débuts de la grève.
La réoccupation
Spontanément, la foule réinvestit la place. Ceux qui étaient partis par le métro reviennent peu à peu, et le piquet de grève se reconstitue au fil de la journée. Dépassés par la masse des grévistes et des soutiens qui affluent sur le parvis, les CRS sont bientôt contraints de rompre les rangs sous les exclamations de la foule. Alors que les dernières personnes interpellées reviennent, les cris de joie s’élèvent, repris par tous sur la parvis.
Un face à face s’installe entre les grévistes qui ont rétabli leur campement et les forces de polices, désormais postées en rang devant les marches de l’Opéra pour en empêcher l’accès. Garde aussi dérisoire qu’absurde, à l’image de cette intervention policière conduite au lendemain de négociations qui venaient de démarrer avec le ministère du travail. Ce soir là, deux mondes se croisent sur le parvis, alors que les grévistes voient défiler les spectateurs de l’Opéra Bastille venus au spectacle, public faignant d’ignorer ce campement établi à même le pavé.
L’occupation n’est levée que le 18 juin, au terme d’une négociation avec le ministère de l’Immigration ayant abouti à l’obtention d’un addendum – un ajout de texte – à la circulaire Besson de novembre 2009. Quelques jours plus tard, des milliers de personnes se pressent à la bourse nationale de la CGT, à Montreuil, afin d’entendre la nouvelle de la bouche des organisateurs du mouvement et d’en connaître les suites (vidéo à venir).
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